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24 juillet 2016 7 24 /07 /juillet /2016 17:39

Troisième brève de la série Par delà Fin et Niais consacrée aux trucs qui semblent cons, laids, agaçants mais qui en fait ne le sont pas tant que ça si on gratte un peu. Après l'insta-food (http://roter.schnee.over-blog.com/2015/04/instagrammer-l-instant.html) et la fête de la musique (http://roter.schnee.over-blog.com/2015/06/folk-just-wanna-have-fun.html), voici : le latin bidon et les cultes d'opérette.

Je pense aux latinistes, dont je fus, que les horreurs pondues par Games Workshop (et d'autres créateurs de mondes imaginaires) font hurler, aux exorcistes qui se prennent la tête à deux mains devant Supernatural, aux sorcières qui pleurent des larmes de sang devant Charmed. Tout est bidon, à côté de la plaque, rien ne va, et, d'instinct, cela pousse à râler, comme dans toute situation ou l'ordre juste, naturel ou familier est désaxé. Je lis "Ave Dominus Nox" et grince des dents devant l'absence totale d'accord en cas et en genre de même que je frémis au massacre quotidien du français.

Mais en grattant le vernis de désapprobation, on se rend bien vite compte que, même si la chose (dans le cas de Warhammer 40k) peut-être justifiée par le contexte fictif (il ne s'agit pas de latin, mais d'une forme complètement abâtardie appelée "haut gothique"), il s'agit surtout de la plus élémentaire des mesures de précautions.
Prenez une série ou un film traitant de créatures surnaturelles, il y a une grande chance pour qu'un des épisodes de la série, si ce n'est le film lui-même (comme l'excellent nanar Knights of Badassdom) aborde le sujet des invocations involontaires : une personne introduit une évocation réelle et effective dans un contexte fictif (théâtre, cinéma, jeu de rôle...) et là, c'est le drame, le sort fonctionne et le chaos s'abat. Qu'on croit en toutes ces choses ou non, d'une part un esprit créatif a toujours au moins une infime portion de doute (on n'y croit pas à 99,9%, mais mieux vaut ne pas tenter le 0,1% restant), de l'autre, on ne va pas précisément verser dans la sottise que l'on met en scène. La meilleure solution reste alors d'inventer de toute pièce des noms, des dieux, des invocations, ou de complètement tordre jusqu'à l'absurde ce qui existe déjà pour s'assurer de son inefficacité.

Un exemple de ces torsions volontaires nous est donné dans les entretiens avec Pat Devin, prêtresse wiccane et consultante sur le tournage de The Craft, trouvables partout en ligne. Elle a choisi de créer de toute pièce une divinité, Manon (oui, à cause de Manon des Sources ^ ^) pour éviter de faire de véritables entités des objets de divertissement, et qu'on retrouve des flopées de jeunes invoquant Hécate ou Kali pour "faire comme dans le film" et risquant que tout cela tourne très mal.

Ces articles ont vocation à être courts, je ne vais donc pas me lancer sur de honteuses vulgarisation à propos de Chaos Magick, d'égrégores etc... mais simplement poser ici l'idée que, selon beaucoup de personnes et de rites, l'énergie psychique humaine consacrée à une idée (même pas forcément une divinité nommée comme telle), par la prière, l'invocation, les sacrifices (une révolution par exemple), ou même la rumination obsessive... a de réelles conséquences, immatérielles ou matérielles, et que plus l'idée est ancienne et partagée, plus les conséquences sont importantes.
C'est exactement le processus (longuement théorisé dans diverses traditions ésotériques) que l'on retrouve dans le mythe de la naissance de Slaanesh, par exemple, crée ex nihilo par l'énergie effrénée que les eldars mettaient à décader violemment, matérialisation de leurs jouissances impies.

D'où l'idée d'éviter de donner un surcroît d'énergie à des idées déjà présentes et de les transmettre à des personnes n'ayant aucune idée de ce à quoi ils ont à faire. D'où la solution de créer des cultes bidon et des incantations, des langues sans passé réel : mieux vaut s'embarrasser d'un ridicule mineur que d'un démon majeur.

 


 

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1 juin 2015 1 01 /06 /juin /2015 11:50

Nouvel articuscule dans la catégorie "Par Delà Fin et Niais" (après celui-ci : http://roter.schnee.over-blog.com/2015/04/instagrammer-l-instant.html ). Aujourd'hui, à propos de la date redoutée par les parisiens de bon ton et de bon goût : la fête de la musique.

Oui, j'ai aussi passé 23 ans à haïr et redouter cette date fatidique où les rues se transforment en charnier de viande saoule, où l'air vrombit de sanies sonores "ensoleillées", où toute la crasse de l'amateurisme musical vient se déverser sur des trottoirs déjà bien trop encombrés en temps normal. En tant que bonne misanthrope solitaire, évidemment, je vomissais tout cela.

Je pensais qu'il était bien plus beau et noble de sauter par dessus des feux de joie au son des cornemuses... Oui mais voilà, dans les villages où l'on saute encore au dessus du feu, d'une, on ne le fait pas au son des cornemuses mais du hit parade, de deux, on ne le fait pas parce que c'est le solstice, mais parce que c'est la fête de la musique.
N'est-il tout de même pas appréciable de voir que depuis des millénaires, sous divers prétextes, les gens festoient, danse, s'ennivrent à date fixe ? Que, même si le nom change, même si on n'a strictement aucune idée du pourquoi, la même énergie, la même essence se retrouve, inchangée.
Oui, inchangée. Parce que le type de base, qui fera "la fiesta" le 21 juin 2015, pour la fête de la musique, il le fait parce que tout le monde le fait, et pour faire la fête. EXACTEMENT comme le gus de base qui s'en allait au bal de la Saint Jean le 24 juin en 1415, qui n'en avait pas grand chose à secouer, de Saint Jean, et du solstice, et de l'été (à part niveau pratique, niveau agricole) mais qui était vraiment content d'avoir une occasion pour danser, pour festoyer, pour dragouiller etc... EXACTEMENT comme le péon celte ou nordique ou summérien, qui allait aux célébrations un peu comme on va à une messe de mariage : pas pour des causes religieuses dans 80% des cas, mais pour des raisons festives.
Siècles après siècles, le mec moyen n'en a rien à taper de la symbolico-cosmo-théo-trucmachin, et, girl comme les autres, "just wanna have fun". Siècles après siècles les penseurs misanthropes et solitaires ont râlé dans leurs coins "pfff, musique de dégénérés, tssst, moeurs d'animaux, kssss, perte de sens", j'en suis persuadée, de -900 à 1867 en passant par 481 et 1629.

L'Humanité, elle, se fout bien des penseurs misanthropes, et, bien plus qu'eux, reste connectée inconsciemment, par les tripes, aux rythmes des saisons. Elle danse et ripaille sans intellectualiser la chose, et en ce, Kevina Perchu, qui va zouker toute la nuit en mangeant de la mergez industrielle et en buvant des cosmo-kroet roulant des pelles à Brendan Duran, est bien plus "trve pagan kvlt" que ma pomme. Le cosmos et ses rythmes n'en ont strictement rien à secouer, du Monde Moderne ou de la Révolte A Son Encontre, il pulse, sourdement, dans nos entrailles.

En plus, les bandeaux à fleurs sont à la mode, et les joyeuses fêtardes ont ce genre de look, en ce moment, alors sérieux, que demande le peuple pagano-tradi-trve-machin ?


 

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25 avril 2015 6 25 /04 /avril /2015 06:30

Comme je me fais très souvent la remarque que certaines habitudes contemporaines dénoncées comme marques de débilité, de décadence ou de superficialité populaire sont, ou du moins me semblent, plus intéressantes et plus profondes qu'il n'y paraît, j'ai décidé d'en faire une rubrique sur ce blog : "Par delà Fin et Niais".

J'en ai un peu ras la casquette-en-vinyl des considérations sur le déclin de ceci-cela, les menaces qui pèsent dessus, et comment tout fout l'camp ma brave dame, donc oui, ça sera un peu bisounourso-optimiste, ça va changer... Mais je vous promets une chose, c'est qu'en rien la réflexion ne sera forcée : je ne vais pas prendre une pratique et me dire "mmmh, qu'est-ce qu'on pourrait y trouver d'intéressant ?". Toutes les pensées livrées ici sont celles qui me sautent au cerveau, comme ça, sans trop s'expliquer. Alors oui, c'est parfois tordu, mais qu'est-ce que j'y peux, moi, si j'ai le neurone contorsioniste ?

Et il s'agira d'articles COURTS, ça va changer,
bis.

Un des trucs les plus décriés et moqués parmi les usages d'internet est celui qui consiste à instagrammer sa nourriture, ou juste la prendre en photo avec son teléphone-qui-fait-appareil-photo-et-même-internet-maintenant-ohalala (le mien n'a même pas les couleurs, c'est pour ça) et mettre ça sur FB en suite, ou twitter, ou whatever, bref, en ligne.

Il y a deux cas :

* les personnes qui partagent ce qu'ils ont fait, un plat qu'ils ont préparé de A à Z, et oui, il y a de quoi être fier de soi. On parle sans cesse de la coupure du "consommateur moderne" des "vrais" aliments frais, de la tentation de ne consommer que du "tout préparé", de la rupture de transmission des recettes familiales etc... De mon point de vue c'est donc déjà très bien qu'on essaie, à sa modeste échelle, de retrouver des recettes, de s'alimenter de façon plus traditionnelle et plus saine. Si prendre son oeuvre en photo, aussi humble soit-elle, permet d'obtenir une petite gratification, encore une fois en ces temps d'éclatement des communautés où on vit bien souvent seul, ou à deux, et où ça ne fait pas de mal d'aller pêcher le compliment en ligne. Donc oui, il y a de quoi être fier quand on a fait un truc comestible de A à Z, et perso j'aurais plutôt tendance à encourager ça de mon petit "like".

* les personnes qui photographient ce qu'ils s'apprêtent à manger dans un resto / salon de thé etc... Oui, on peut crier à l'auto-promo à travers son mode de vie, à l'exhibition d'une classe sociale ( #africainisthebest #Angelina #commetouslesmardis ), mais il s'agit aussi de s'arrêter une minute avant d'engloutir qqc, de "savourer" son esthétique, de prendre une seconde pour se dire "je suis devant qqc de bon, que je vais déguster, qui me fait plaisir, ce moment est beau". Est-ce la peine d'aller raconter ça à tout le monde ? Evidemment NON. Mais c'est tout de même mieux que se contenter de boulotter placidement, sans même prendre le temps de jouir. En fait c'est un peu comme si le temps de la photo, c'était le temps de la jouissance esthétique. Oui, c'est triste de ne jouir que par écran interposé, mais c'est mieux que "consommer" tout de façon machinale, terne, sans joie (failala). Au moins la prise de photo permet, avant de le dire aux autres, de se rendre compte POUR SOI qu'on est bien, là, maintenant. Tellement bien qu'on a envie de le figer. La photo de bouffe / d'instant, c'est un peu le "verweile doch, du bist so schön" que l'on dit à l'instant. (je vous laisse vous faire des nœuds aux synapses sur la conclusion ou non que nous sommes dans un rapport faustien à internet...)

Et du coup, avec ce dernier point, on dépasse le seul domaine de la nourriture. La photo de billets quand on part en vacances, là photo de trucs qu'on vient d'acheter, la photo d'un superbe rayonnage de livre... autant de façons de se dire A SOI, une seconde avant de le dire aux autres "je suis heureux ici et maintenant". Et c'est toujours ça de pris. Et d'ailleurs, bien souvent, une fois la photo prise, on ne la poste même pas, on la garde, et en fait on ne la regarde pas souvent après... comme si la médiation de la prise de photo servait d'abord à nous même, à figer tous ces moment où l'on se dit avec joie "oh, il faut que je garde cette seconde en mémoire", le "clic" ne fais finalement pas grand chose d'autre que nous rassurer, et entériner notre bonheur.



#teatime #homemadescones #earlgrey  

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