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4 avril 2008 5 04 /04 /avril /2008 20:43

Il est grand, blond, germanique et ach so romantisch, il a une musculature puissante, des canines un tantinet surdéveloppées, et LA classe totalitaire, il a souffert dans son âme et dans son corps les tourments de l’enfer, il rôde comme une ombre sublime et fière dans un univers apocalyptique. Elle a des cheveux de ténèbres, un corps de prédateur, froid et dur, un goût prononcé pour le rouge et le noir, elle manie le fouet avec dextérité, sa seule jouissance la mort, son seul délice, le sang (d’ailleurs, son ombre plane sur ce blog).

Vous connaissez ? Non ? est-ce possible ? Ceux qui errent dans les camps de préparation de la rue Saint Jacques n’ont aucune excuse : leur esprit démoniaque hante les lieux… depuis l’angle de la rue des souffrances estudiantines et du noble (et délicieusement décadent, du moins dans mes fantasmes XIXemistes) boulevard ou arbore fièrement son store criard un temple de la bulle franco-belge : Album.

 

Eh oui, je vous parle aujourd’hui de bulles particulièrement pointues, en forme de canines même puisqu’il s’agit, à mon humble avis, de LA référence en matière de BD vampirique (au cas ou vous ne l’auriez pas compris, les personnages évoqués plus haut sont donc fictifs, je me méfie de vos rapprochements douteux, non mais, faudrait pas s’imaginer des choses non plus). C’est l’histoire d’un bogoss de la Wehrmacht, Heinrich (l’aryen type) qui a pour maîtresse une non moins belle juive (rhô le clichéééé, c’est téléphoné ! allez-vous récriminer, bon, certes, mais c’est justement le but, un peu comme dans les films de Ken Russel : toutes les icônes caractérisant une certaine esthétique y sont), il meurt bravement sur le front de l’Est, avec un amour sincère pour la mère patrie et passionnel pour sa dulcinée. Après s’être fait dûment exploser la face par un genre de mongoloïde rouge ignoble (je précise tt de suite, contrairement aux apparences, cette BD n’est pas néonazie, enfin, rien ne le prouve en tt cas, et le héros DETESTE les SS), notre héros se retrouve sur une étrange planète, Resurrection, qui est le négatif de la terre et son enfer :  on y rajeunit, au lieu de vieillir (donc les big boss sont des sortes de bébés diaboliques), les terres sont à la place des mers etc…, il va y devenir Requiem (ça c’est le titre de la BD) le chevalier vampire (ça c’est le sous-titre) enfin, je me demande si déjà sur terre son nom n’était pas Heinrich von Requiem, mais j’ai un peu oublié l’intrigue, qui n’a pas grande importance il faut bien le dire.

 

Ce qui compte, dans cette BD, ce sont deux éléments, mais pas au même degré : les dessins d’Olivier Ledroit tout d’abord (je ne mets pas d’exemple cause vous savez que je suis une vieille noob infoutue de décorer son blog, mais si vous avez un brin de jugeote, et que vous êtes un tantinet fidèle comme lecteur _ oui, je sais, je me berce de douces illusions_  vous avez pu recouper les indices : « son ombre plane sur ce blog » NON ça n’était pas le communisme, bande de prolétaires unis, « Resurrection » mais oui, vous avez déjà vu l’héroïne dont je parlais sur ces pages avec sa peau blanche décorée de cabalistiques tatouages, et surtout son gros sabre plein de sang _ vade retro Freud_ donc vous avez déjà un avant goût des merveilles ledroitiennes), dessinateur entre autres des Chroniques de la Lune Noire (où apparaissent les mêmes thèmes esthétiques que dans Requiem, à savoir les grosses armures, les démons, les armes blanches, les batailles rangées avec des tas d’étendards _ Leni Riefenstahl sors de ce corps !_ les chevaliers, les succubes, le sang) et Sha. Et dans une moindre mesure, mais c’est quand même très chouette, l’humour des textes avec moult injures assonantiques, du second degré, de la dérision : les persos ne se prennent pas du tout au sérieux.

 

Ce qui est particulièrement jouissif pour le lecteur, ce sont les tableaux, les univers et les thèmes esthétiques présents dans cette BD, Ledroit est en quelque sorte à la BD ce que Russel est au cinéma, comme je l’ai déjà évoqué : de sublimes images et on ne s’emmerde pas ( à la différence des films japonais) et pas beaucoup de suivi dans le scénar, du moins une grande complexité un poil sous acide, ce qui contribue au charme percutant de ces œuvres. Les univers explorés ont ceux du gothique et du SM, sous leurs divers aspects : cour libertine façon baroque, thème de la mascarade, de la farce, burlesque (j’aurais même pu écrire burlesk, les initiés comprendront, de toute façon, dès qu’on met un k quelque par, c’est bon, ça fait goth’, ou fetish, ou SM, bref…), gros fantasmes sur la puissance (des armées, des armes de pur bourrins, on se croirait dans un Game Workshop parfois, section Inquisitor) avec une pure troupe de croisés qui déchire sa Môman, ce qui nous amène à la peinture du diable sous des traits totalitaire avec les casquettes, les manteaux de cuir et les bottes qui vont bien, corsets et hauts de formes (encore le burlesque), cuissardes, la plupart des personnage féminins sont habillés en dominatrices, les bas fonds façon Londres XIXeme, grouillant comme dans un Tim Burton avec des personnages sordides, gras, en voie de putréfaction interne, au contraire, des aristos raffinés, cruels et pervers, un poil de cyber punk avec des méthodes de conservations des corps assez matrixiennes, des esclaves sexuelles bandées, des pirates, des squelettes, des zombies, des vampires, des démons, des lémures. Bref, tout ce qu’on aime, du sang, de la belle cuisse (tous les héros sont musculeux à souhait et cheveux longs, ou en brosse, les héroïnes ont des critères de beauté indiens : hanches larges, membres minces, tailles ultra fine, et nibs de tarées !) et de la baston bourrine à l’épée, à l’éviscerateur et autres joyeusetés.

 

Mais ce serait faire insulte au génie de Ledroit qu’il ne s’agit que de fan-service pour faire bander les camionneurs. Les références culturelles sont omniprésentes : Shakespeare, Nietzsche, Struwel Peter ( !), le Malleus Maleficorum et bien d’autres traditions occidentales, sans oublier tout ce que mon inculture ne m’aura pas permit de voir. Mais la tradition n’est pas que dans le directement visible, l’agencement des tomes entre eux, la prédominances d’un certaine tonalité, d’une certaine couleur correspond à une symbolique classique alliant planètes, couleurs, caractères et quelques symboles alchimiques (que l’on retrouve tatoués sur les corps des héros). Ce n’est pas innocent si c’est Jodorowski qui a préfacé l’artbook de Ledroit !

 

Enfin, la série est marquée et progresse grâce à des personnages très incarnés, fascinants, ayant chacun leur histoire propre qui mériterait bien sa série (ce qui a d’ailleurs été le cas avec Claudia, série hélas lamentablement ratée, au trait grossier, uniquement dévolue au fan-service trash). Requiem, le héros, partagé (comme tout vampire qui se respecte depuis Anne Rice) entre sa nature de carnassier, sa soif de sang et de sexe et la pureté de son amour pour Rebecca qu’il essaie toujours de sauver de multiples crocs, son sens de l’honneur et de la camaraderie, mais aussi Claudia (celle dont on parle depuis le début), sublime et superbe (au sens latin), froide, fatale, cruelle, LA dominatrice de tous les fantasmes, une piratesse zombie qui a un cran fou, délicieusement nommée Vénus, car la Camarde a des appâts divins, Dracula dans une armure qui évoque irrésistiblement le film de Coppola et qui a la classe suprême (d’un côté, c’est le Saigneur de tous les vampires) et sa famille de dégénérés fort sympathiques, Otto, le nostalgique à la Ritterkreuz tatouée sur l’œil, qui, forcément, à une dent (rhô l’humour eh !) contre Rebecca qu’il essaie de griller au lance flamme et qui, à la fin d’un épisode, alors qu’on le croyait méchamment abîmé revient en hurlant « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », ben tiens…, mais surtout, mes préférées, les Sœurs de Sang, ordre « religieux » (ahem) aux cagoules invraisemblables (rouge sombre), vêtues d’un micro justaucorps (rouge sombre), d’une cape (rouge sombre), de cuissardes (rouge sombre) et d’une ceinture de chasteté (or) le tout avec une classe folle, pas du tout façon cirque, qui passent leur temps à protéger la pureté, le sang, la pureté du sang, et a se servir de leurs armes ultra-sadiques (elles n’aiment pas trop les mâles les vierges de glace).

 

Bref, aiguisez vos canines aux pages d’acier et de sang de Requiem, le chevalier vampire, de Ledroit et Mills, éditions Nickel, ma BD culte, qui enfonce Miss Pastouche (enfin, façon de parler hein) et Rapaces réunis !

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19 décembre 2007 3 19 /12 /décembre /2007 19:49

On va parler BD, ça changera des films ! Ceux qui ont le bonheur inestimable (et bien souvent sous estimé tsss tsss) de subir mon auguste carcasse en camp de préparation (on a déjà le K, le Z ne saurait tarder à nous échoir) ont un champ d’attente assez restreint, alors, d’après vous, Rapaces ou, comme l’icône sanglante de mon modèle féminin (voir l’article « Résurrection ») pourrait l’annoncer, Requiem ? Vous vous doutez bien que si je pose ainsi la question, c’est que c’est ni l’un, ni l’autre. Ca se passe dans les années 1930 (donc en plus vous pouvez réviser votre Histoire avec, y’a même une vision queer de Joséphine Baker et le Prince de Galles en petite tenue) dans une institution parisienne où la gent exclusivement féminine est tenue sous haute surveillance par du personnel féminin itou, où règnent une discipline de fer et des rivalités destructrices latentes, où des femmes se morfondent dans une bâtisse aux couloirs labyrinthiques, aux caves mystérieuses, à côté d’une église à usage privé, désaffectée par les fidèles ordinaires mais entretenue scrupuleusement. Une pension de jeunes filles ? Un couvent ? que nenni, un bobinard ! Mais alors un beau-binard ! La cerise sur la crème des lupanars, le poulailler de luxe, le bordel aux draps de soie.

 

J’anticipe les a priori : ça va être une BD de cul, avec des gros plans sur les cambrures, le prétexte fallacieux pour montrer de la cuisse et même de la khuissssssssss. On aperçoit déjà le trait grossier du genre éditions Soleil (rien que le nom est gage de mauvais goût), la complaisance dans le sordide etc… Eh ben non, pas du tout, c’est frais, le trait est net, esthétique et tout sauf vulgaire, un trait maigre, plus maigre que Tintin, un peu comme Le chat du rabin, ou Djinn peut-être (mais là pour le coup c’est du cul !). L’héroïne est une jeune fille sage et stricte, vive, agile, d’où le nom de la série : Miss Pas Touche. Les « filles »… en sont (sauf une, mais je ne vous dit pas qui, enfin, c’est pas très difficile de trouver), mais sans en ajouter des tonnes, pas de pathos, pas de dégoulinant, c’est simple, c’est comme ça. Une BD sur un bordel dont on ne ressort pas l’âme lourde et souillée mais au contraire tout ragaillardit (pas dans un sens gaulois). Donc vous pouvez vous lancer dedans sans crainte, même Marianne et Caroline qui pourrait presque la faire lire aux sœurs de son foyer (presque car il se passe tout de même des choses peu orthodoxes dans l’église dont je doute que des religieuses, toutes modernes et ouvertes _façon de parler non mais oh !_ soient elles goûtent l’esthétisme).

 

Donc, c’est une petite bonne (à tout faire, faut faire gaffe avec des pervers comme vous, ô lecteurs potentiels que je redoute irréels) qui sert une vieille dame avec sa sœur, plus dissipée mais pas une vierge folle non plus, tandis que sévit le « boucher des guinguettes », tueur fou qui découpe des jeunes filles et en éparpille les membres autour des guinguettes. Or une nuit, Blanche (qui est bien l’héroïne et non la cocaïne comme on l’aurait pu croire) entend des bruits étranges dans la mansarde voisine inoccupée (tadadam tadadam tadadaaaaaaam), la nuit suivante, alors que sa sœur (Agathe, mais on s’en fout, elle ne fait pas long feu) est partie danser, elle entend à nouveau des bruits de conversation, gratte une fente dans la cloison et voit au travers deux hommes débitant un cadavre féminin. Terrorisée, elle court attendre sa sœur dans un café de la rue, lui raconte la scène. Entre temps les deux hommes ont vu le trou et ont compris qu’on les avait vu. Les jeunes filles remontent, Blanche refuse de rentrer dans la chambre, Agathe va voir la fente (non, on n’est pas déjà dans le bobinard, je parle de celle du mur of course) et BAM, se prend un plomb dans l’œil. Blanche hurle alerte sa patronne et tout l’immeuble, à son retours « on » a placé le flingue dans la main d’Agathe. Blanche soutient qu’il ne s’agit pas d’un suicide mais d’un meurtre, la vieille dame, la croyant déséquilibrée par le choc, et ne voulant pas garder la sœur d’une suicidée, la renvoie.

Blanche se retrouve à la rue et décide de se venger, elle commence son enquête qui la conduira dans la plus chic des maisons closes parisiennes, un hommage au Chabanais (cité d’ailleurs), au One two two etc… Elle réussit à force de persévérance à intégrer l’ Empire des Nues Salopes (on y revient toujours) et se trouve face à Moniiiiiiiiiiique….euh, non, je m’égare, face à « Madame », plutôt étonnée qu’une fille essaie de s’introduire de force dans son boxon (« d’habitude c’est plutôt l’inverse »), à laquelle elle propose dans avec une ingénuité rafraîchissante de l’engager comme bonne. Finalement elle se retrouve… dominatrice court-vêtu (voilà, on y vient, vous vous disiez aussi…) que les clients n’ont pas le droit de toucher, c’est cette virginité attestée par la visite médicale qui va faire d’elle LA curiosité, l’attraction la plus en vue, la dominatrice la plus recherchée du Tout Paris, d’où le titre du premier tome (il n’y en a que deux) La vierge du bordel (ou qqc dans cette veine, à ce propos, admirez la transition, le second s’intitule Du sang sur les mains pour le cou je suis sûre).

Comme il s’agit d’une enquête, je vous laisse découvrir la fin fort savoureuse. Deux tomes de coups de fouets féroces, amitiés et haines, complicités, meurtres (notre petite Blanche n’a pas froid aux yeux et est bien déterminée à mener à terme sa vengeance) avec des personnages dignes de Balzac, une héroïne qui se bat fort bien, raisonne un peu moins bien, ne se laisse pas marcher sur les pieds, dotée d’un sens aigu de l’amitié, de l’honneur et n’y va pas de main morte pour fouetter le bourgeois. Bref, une héroïne parfaite comme il en existe peu, pas en fait hors Blanche.

                                                    

Pour terminer sur une note féerique, j’ai trouvé ma « Blanche » de référence, quelles «Nérelle » et « Carmine » auront choisi Camille et Maud (je crois que c’était Camille-Nérelle et Maud-Carmine) ?

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