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21 novembre 2012 3 21 /11 /novembre /2012 13:38

 

Nous avions laissé notre loup fort marri du comportement de ses compagnons de chasse, allant (à pas de loup, forcément) demander conseil aux croassants Huginn et Muninn.
 

 

Muninn se souvint, encore, mais n’était pas sûr que cela soit une très bonne idée, il cruchota (chuchota en croassant) donc quelque chose à l’oreille de Huginn, qui réfléchit et vit, dans sa grande sagesse, que c’était une très bonne idée pour peu qu’on lui apportât quelques modifications.

«_ Jadis une situation semblable scinda nos cousins grecs et plongea les mortels dans une mer sans fond de feu et de sang fratricide, rappela Munnin, mais la malice était présente dès l’origine, et l’objet quelque peu futile.

_Oui, les pommes causent bien des problèmes, en général, la variété aurifère en particulier , souligna Huginn.

_ On devrait peut être voter une loi anti-pommes , ça simplifierait les choses, suggéra Munnin.

_ Ou les mieux garder, à chaque fois c’est un problème de mauvais gardiennage, tu remarqueras.  Précisa Huginn.

_ Certes certes, mais … 
 

_Dites, ça n’est pas franchement le sujet ! gronda le loup.
 

_ Hum, oui, appelle-nous donc le cerf et la chimère ! Se reprit Huginn avant de poursuivre, devant les querelleurs animaux : Pour régler cette histoire de torque, mes amis, puisque de vous-même vous ne parvenez qu’à vous monter d’avantage l’un contre l’autre, vous irez prendre conseil auprès de vos pairs, mais en nombre impaire, pour qu’une majorité se dégage. Vous demanderez à 9 animaux de part le monde … 
 

_Tant que ça !  râla de concert tout ce qui n’était scandinave dans l’assemblée
 

_ Bon, 7 alors ! concédèrent les corbeaux
 

_ Trois, pas un de plus, je n’ai pas que ça à faire et on a une chasse sous la lance, si ça ne vous ennuie pas trop! conclut le loup, approuvé par la vouivre , l’herlequine et tout le reste de la mesnie.
 

_Bon bon, qu’il en soit ainsi, mais ne venez pas nous importuner si vous vous trouvez un peu courts! soupirèrent les corbeaux, un peu vexés, tandis qu’à la fois le loup et le cerf se demandaient s’ils devaient prendre ça personnellement.
 

 

C’est ainsi que, dans ce temps mythique qui ne dura, finalement, que quelques secondes, les trois montures se mirent en route, d’abord vers le Japon, consulter le roi du royaume souterrain, le Rat aux immenses richesses, qui devait sans doute en connaître un rayon en matière de trésor…

« Squeeek Squeeeek » fit le grand verminarque en se lissant les moustaches d’un air entendu « bien sûr que je peux vous aider, mes amis ! Commencez par fondre ce bijou en 12 petits carrés d’or, 5 pour chacun, et 2 pour moi, puis convertissez ces lingots en dollar, en euro, en yen, en yuan et en francs suisses et placez chaque lot pour moitié en épargne, pour moitié en bourse selon ce que je m’en vais vous indiquer… » Le grand verminarque fit mander le Seigneur Skrolk qui apporta de grands rouleaux indiquant le cours prévisionnel de nombreuses entreprises qui, selon les infaillibles analyses des rats (que l’on n’écoute jamais assez, sans quoi on aurait évité bien des désagréments), devaient, contre toute attente humaine, grimper en flèche dans le cours du marché.

Le cerf, la chimère et le loup le remercièrent grandement pour son conseil avisé, lui dirent qu’ils avaient besoin de se consulter un moment pour réfléchir à la question et s’en furent en toute hâte pour ne jamais revenir dans ces salles obscures visiblement étanches à toute espèce de culture ou de respect pour une relique aussi vénérable que le torque de Cuchulainn. En outre, le loup se demanda  depuis quand les rats avaient pris de cours de négociation auprès des nains mais garda ces observations par devers lui.

 

 

Leur destination suivante était la Californie et un parc aquatique conçu par de très célèbres dauphins pour y apprendre des tours et « programmer » des humains, qui, dans leur grande présomption, étaient persuadés du contraire et ne devaient s’en rendre compte que trop tard, à la venue des grandes pelleteuses jaunes, mais ceci est une autre histoire. Ils s’en allèrent donc trouver les dauphins qui, dans leur grande sagesse, rejetèrent au loin toute idée d’attribuer le torque à l’un ou à l’autre :

« Les richesses de ce monde sont faites pour être partagées » leur dirent-ils « Nous ne vous diront pas de faire du passé table rase car cet objet semble précieux à vos yeux, cependant le passé ne doit pas être un poids qui nous divise et nous empêche d’avancer mais la matière première à partir de laquelle nous créons le futur ! Coulez donc cet or pour une faire une longue chaîne, un lien qui vous unira les uns aux autres lorsque vous courrez, qui non seulement vous rappellera  votre amitié mais en plus vous servira de marqueur pour harmoniser votre course : si la chaîne touche le sol, c’est que vous êtes trop proches et risquez un coup de sabot dans le museau en cas de brusque décélération, ainsi vous ne répèterez plus les erreurs du passé. »

Nos trois amis prirent congé des dauphins après s’être respectueusement inclinés devant leur sagesse mais ne surent vraiment que penser de ce mélange d’idéalisme et de normalisation un peu technocrate : certes, l’aspect symbolique leur convenait, mais l’idée de la co-dépendance beaucoup moins… Ils étaient trop farouchement attachés à leur indépendance pour s’enchaîner au groupe, aussi new age et pacifiste que soit le projet : la meute, oui, le troupeau, non !

 

 

L’ultime étape de leur quête les conduisit à la cime d’une montagne étincelante, sur les sommets déserts et cristallins où logeait le phénix, comme un soleil scintillant sur les glaciers. Le loup expliqua l’affaire pour la troisième fois, il commençait à en avoir vraiment marre, le cerf et la chimère quant à eux désespéraient franchement d’entendre un avis à peu près recevable et commençaient à regretter leurs bois et leurs cavaliers…

« O mes amis, qu’est-ce que le monde sinon un théâtre d’archétypes resplendissants, d’idéaux auxquels nous aspirons de toutes nos forces ? A travers ce torque, n’est-ce pas plutôt la valeur de Cuchulainn, sa prouesse, sa force, sa frénésie guerrière que vous voulez faire vôtres ? Si vous comprenez ça, le torque lui-même sera bien peu de chose à côté de cet idéal à atteindre, cette figure mythique qui toujours marchera à vos côtés, dans vos esprits ! »

Le cerf et la chimère se regardèrent en intelligence et se sentirent soulagés d’avoir trouvé si bon conseil, la suite ne pouvait être que lumineuse…

« C’est l’idéal, la perfection que vous devez poursuivre à tout moment, et plus que la rivalité pour un objet, c’est l’émulation vers une idée qui doit vous unir. Ce torque n’est autre qu’un signe : à la fois symbole de vaillance et ornement, il vous montre que la perfection s’obtient à la fois par les qualités martiales et par la beauté, tant morale que physique, le Hagakure ne dit il pas que toujours le guerrier doit être préparé à recevoir la mort au faîte de sa beauté ? »

Le cerf, la chimère et le loup suivaient toujours, bien qu’ils ne voyaient pas exactement ce qu’ils étaient censés faire du torque, dans tout cela… Comme s’il entendait leurs pensées, le phénix reprit : « Fondez ce torque et faites en deux ornements que vous porterez chacun, qui vous rappelleront votre modèle et votre quête de l’idéal à chaque fois que vous porterez les yeux sur lui, ou mieux, à chaque fois que vous le sentirez dans votre chair. Faites de ce torque un instrument de beauté et de tourment, qu’il vous embellisse mais ne vous laisse jamais de répit, car le répit conduit à la médiocrité… »

La chimère eut un mouvement de recul, regarda le cerf d’un air inquiet, le discours prenait une tournure pour le moins bizarre et extrême… ça lui rappelait quelque chose, mais quoi ?
« Créez deux anneaux et percez en votre chair… »

« Oh, merde, COURREEEEEEEEEEEEZ ! » cria la chimère en fuyant à toutes jambes en voyant très clairement dans son passé où ce genre de choses menait inévitablement, le loup et le cerf lui emboitèrent le pas juste à temps pour ne pas être pris dans l’avalanche que déclencha le chant du phénix qui avait des goûts un peu trop avant-gardistes en termes d’art contemporain et de hard-tech.
 

 

Les trois compères arrivèrent à bout de souffle devant leurs cavaliers, dans la forêt qu’ils avaient quittés selon eux une bonne demi-éternité auparavant, selon l’univers le temps pour une châtaigne de tomber d’un tabouret.

«  _On l’a échappé belle ! souffla le loup

_ Oui, j’ai déjà donné dans ce trip là, merci bien .  râla la chimère

Ce sont tous de GRANDS malades ! » conclut le cerf…

Ils se regardèrent, tous trois, et partirent d’un grand éclat de rire, comprenant que leur dispute même était le signe de leur concordance de vues, de leur culture commune, que personne d’autre ne partageait leurs goûts, leurs idéaux et qu’ils se jetaient à la tête précisément ce pourquoi, au fond, ils s’appréciaient.

Le cerf et la chimère décidèrent alors de donner le torque au loup, qui ne s’y attendait pas du tout et en rougit, tout confus, sous son épaisse fourrure grise. Huginn et Muninn leur lancèrent un regard satisfait et approbateur .

«_ Bon, ça va, on arrêter de bouder, grosses bêtes, on a assez enquiquiné le monde ? on peut repartir maintenant ?  demanda l’herlequine en gratouillant le cerf derrière l’oreille
_ Je suis désolé maîtresse, pour la chute et pour la dispute...  murmura le cerf en baissant la tête
_ Non, c’est moi, je n’aurais pas du tant m’échauffer, je suis censée avoir le sang froid, en plus ... s’accusa la chimère
_ Allons, allons, je crois que votre aventure peut être profitable à de nombreuses personnes et que nous en tirons tous une importante leçon.  Conclut la vouivre, en passant sa main sur le museau de la chimère. Huginn, Muninn, je compte sur vous pour me chroniquer tout ça ?  A fin que de par le monde, l’on ne se déchire plus à cause de nos valeurs communes »

Le corbeau dit « Jamais plus ».

 

 

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