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18 janvier 2009 7 18 /01 /janvier /2009 16:15

 

Puisque je me tiens à mon plan quinquennal bloguesque avec autant de rigueur qu’un président de soviet imbibé de vodka, je m’en vais vous livrer quelques réflexions que m’ont suscitées une expérience faite en début octobre : le grand prix de l’Arc de Triomphe vu des coulisses ! J’avais appris que l’on recherchait des jeunes pour « gérer les flux de visiteurs » lors de la course, 100 euros à la clef pour la journée. L’intitulé était assez vague, je priais très fort pour que la forme masculine du mot « visiteurs » associée à l’idée de « flux » de soit que le fruit d’une règle de grammaire et non une proposition camouflée de basses besognes génito-buccales et ne savais guère à quoi m’attendre. Il nous fallait être à 8h sur place (pour ne quitter l’hippodrome qu’à 19h), je me préparai à un quelconque travail d’hôtesse (tout en m’étonnant de ce qu’aucune compétence en godon ne soit requise) et endossai un costume cintré noir sur chemise noire, chaussai mes bottes en vinyle à talon (trop) haut (j’en connais qui vont se faire des idées, Ménon Ménon, dirait Platon, elles n’ont jamais foulé autre chose que l’asphalte), et jetai mon manteau de cuir noir par-dessus, avec une petite écharpe moirée violette, j’avais indiscutablement un début d’embryon de classe. Il faut dire que ce qui m’avait motivée dans cette proposition était de pouvoir observer un monde qui m’était tout à fait inconnu (celui des turfistes) tout en découvrant les coulisses d’un tel évènement, intérêt fondamentalement sociologique, donc, et je ne fus pas déçue !

Lorsque j’arrivai, l’apparence de mes futurs collègues me surprit : jeans, baskets ou grosses chaussures, hideuses parkas, têtes de repris de justice. Je me demandais si je ne m’étais pas enrôlée dans quelque force occulte de sécurité un poil hooliganesque et commençais à réviser mes kata quand j’avisai une jeune fille aussi paumée que moi avec laquelle j’eus l’heure de partager quelques références internautiques. Peu après, notre mission nous fut révèlée (tadaaaaam) : jouer les panneaux indicateurs vivants pour parquer les bagnoles…. POIN POin poiiiiiiin, un rêve de flutes de champagnes, sourires accorts et fluent english qui se brise ! Mais le pire était à venir : il nous fallut enfiler un immonde k-way blanc (oui, b-l-a-n-c !!!!) aux couleurs de l’évènement (sponsorisé par le Qatar, vous imaginez si je jubilais…) et, cerise à l’arsenic sur le gâteau au curare, le fameux étron jaune fluo dont Lagerfeld dit si bien « c’est jaune, c’est laid, ça ne va avec rien mais ça peut vous sauver la vie », on peut considérer que l’on préfère mourir dignement, mais le calice de l’infamie ayant déjà été avalé avec le port du honteux k-way, cet ajout d’indignité n’était que peu de chose. J’eus sans doute péri de honte en apercevant quelque connaissance, mais fort heureusement, mes connaissances sont trop plouques pour entrer par l’accès Vieilles Pies où j’eus le privilège d’être placée (ce qui me consola quelque peu : j’allais tout de même pouvoir observer les toilettes, les voitures, les chapeaux etc…).

De 10 à 11h, nous vîmes arriver les premiers masochistes, principalement japonais, qui commençaient la queue avec la réjouissante perspective d’une heure d’attente dans le froid. Les voitures n’arrivaient pas encore en flux tendu (hum hum), j’eus tout loisir d’observer une interview de turfistes nippons par une chaîne tokyoïte : impossible de refréner le fou rire qui m’envahit devant le présentateur surexcité qui sautait partout en faisant de grand gestes presque comme dans une scène culte de Lost in Translation, le costume ridicule en moins ! Ça n’est que vers 11h30 que mon travail commença, à savoir diriger les taxis (par gestes) vers la file idoine, faire garer les voitures de places et autres bécanes arborant fièrement leur importance et leur pass Vieilles Pies et refouler les clampins en Twingo (c’est cruel mais c’est ainsi). C’est là que la chose devient intéressante sociologiquement, divisons fort khâgnalement notre analyse en trois parties : la clientèle, mes impressions, mes collègues.


Je fus assez déçue par les voitures, seules cinq ou six étaient réellement luxueuses et élégantes. Les toilettes aussi étaient, à une dizaine d’exception, assez banales, mais la dizaine en question valait amplement le déplacement. En général, les canons du bon goût semblent s’être arrêtés dans les années 30 et le prix de l’élégance est toujours remporté par une coupe stricte, ajustée, une robe (ou jupe) longue et étroite (mais sans mouler) égayée par un chapeau explorant la dimension horizontale. Les Anglais sont bien sûr en écrasante majorité et font preuve d’un redoutable mauvais goût, surtout visible chez les jeunes filles qui ne diffèrent en rien de pouffiasses américaines : cheveux libres et peroxydés, robe peu adaptée à leurs rondeurs, et pour certaines, tatouage à la cheville ! Au sortir de l’hippodrome, ils sont généralement plus noirs que Bakounine ce qui les rend finalement assez sympathiques. Une bande de jeunes Anglais attendant un peu trop longtemps leur chauffeur s’était lancée dans un chahut potache qui perturbait de façon bon enfant l’ordre que je m’efforçais de maintenir dans la circulation, lorsque l’un d’entre eux, se rendant compte après trois quarts d’heure d’attente qu’il avait oublié son parapluie (cela ne s’invente pas) alors que la voiture de places était enfin arrivée, du piquer un petit galop pour rejoindre ses camarades, je ne pus résister et l’encourageai d’un « Come on Dover ! » qui fit glousser toute la troupe. Certaines personnes étaient un tantinet énervées ou impatientes, mais se montraient tout à fait courtoises lorsqu’on s’excusait en souriant de la mauvaise organisation (un vrai bordel), certaines ne respectaient pas mes indications, mais que dire ? L’organisation doit être à leur service et de toute façon, il n’y a pas grand-chose à faire une fois que la voiture s’est arrêtée : elle ne restera de toute façon que quelques secondes, le temps de décharger (décidément !). Jamais personne ne fut agressif, discourtois, désagréable, hautain. Presque tous m'ont regardée avec sympathie, amabilité, m’ont parfois adressé des mots d’encouragement, souvent des remerciement, de temps en temps des coups d'oeil complices vis-à-vis de mes « collègues », il faut dire que du lot, j’étais la seule à peu près buvable. Que citer sinon de sympathiques Brits bourrés et un poil vulgaires, de nobles vieilles dames, des familles très versaillaises mais très respectueuses et pas le moins du monde infatuées de leur position sociale, d’adorables Japonais affolés ?

Peut être leur courtoisie à mon égard venait de ma propre prévenance au leur, sûrement même. Cependant il me semble que mon attitude, loin de la servilité de l’employé face au client, était la logique même. En dehors de toute question financière, il me paraît normal, lorsque mon rôle est d’accueillir des personnes, en voiture ou pas, de le faire en souriant, en commençant par « Bonjour », en m’adressant aux personnes par « Monsieur » ou « Madame », en les vouvoyant, en leur parlant en français (ou en anglais selon les cas), je ne vais pas non plus énumérer les choses les plus élémentaires qu’il m’est aussi naturel de pratiquer que la respiration. Ajoutons que le rôle d’un service d’organisation est de faciliter la tâche aux usagers et non de leur imposer des règles stupides, si ces règles existent, ça n’est que pour leur confort, en rien elles ne sauraient prévaloir sur leur volonté. En outre, ces gens ont dépensé une somme vraisemblablement conséquente, il me semble normal qu’ils bénéficient d’un service si ce n’est de qualité (car il faut bien reconnaître que je me suis une ou deux fois emmêlé les pinceaux), du moins courtois. Cette tâche m’a semblé particulièrement facile, pour le repas de midi (que nous prîmes vers 14h30), on nous servit de la nourriture de qualité, l’encadrement était sympathique, les clients également. Le travail lui-même ne présentait aucun désagrément. Rester 12h sur des talons aiguilles quand on passe sa vie en rangers en présente ! Beaucoup ! Bref, ce fut l’enfer, à la fin de la journée, il a fallu que mon chef me conduise à moto à la station de navette car je ne pouvais plus marcher (le plus drôle était qu’après que j’aie retiré les immondices vestimentaires infligés par l’organisation, les Anglais bourrés me prenaient pour une Vieille Pie et me parlaient de la course comme si je l’avais suivie avec eux).

Si quelque chose me déplut et me choqua lors de cette journée, ce fut par contre l’attitude puante de mes « collègues » et même de mes chefs. Ces derniers étaient tellement habitués à leur métier, connaissaient si bien les ficelles qu’ils en oubliaient qu’ils avaient à faire à des êtres humains et la politesse élémentaire que l’on doit à ses pairs : si un chauffeur désobéissait à leurs gestes ils hurlaient, se montraient agressif, bornés, stupides, administratifs. Mais le pire vient encore des employés dont c’était, comme pour moi, la première fois (c’est moi où c’est vraiment un article de pervers ce truc ?). Ils s’opposèrent d’emblée aux turfistes dans une lutte des classes tout à fait stérile et artificielle (eux ce sont de sales riches, nous on est moins riches donc on doit les détester, faire bloc contre eux). Quand on va à la rencontre de l’autre avec de tels préjugés de classe (ils sont tous arrogants, guindés etc…) on va droit à l’échec ! Ils râlaient contre tout d’une façon proprement incroyable, « je râle donc je suis », le syndicaliste de base animé par une haine aveugle du possédant. Répugnant ! Et pourtant j’allais vers eux sans a priori, en étant encore plus sympathique qu’avec les clients. C’est a posteriori que je leur trouve des têtes de repris de justice, après avoir constaté leur bêtise, leur laideur morale. Il faisait trop froid, les chefs étaient fous, stupides, névrosés, la nourriture était infecte, quel métier de clampin, on les traitait comme des merdes etc. etc. Quand à la clientèle, elle avait tous les vices du monde, c’était une bande de « pouffiasses » (certes mais pas plus que dans la rue), de « connards », de « snobs », de « prétentieux arrogants » et j’en passe. Je ne puis croire que ces gens là aient été différents avec moi et avec mes collègues, à moins que ce soit une tare propre aux turfistes que de souffrir de troubles aigus de la personnalité. Dans sa hargne pleine de ressentiment, l’un de ces attardés poisseux frappa le capot d’une voiture de luxe qui n’avait pas eu le bon goût d’obéir à ses ordre véhéments, et dont le chauffeur sorti, furibard, prêt à le cogner, ce que je compris parfaitement et même regrettai car il finit par se calmer. C’était la haine prolétarienne à l’état pur, ignoble, la populace qui à mes yeux prenait des traits de bête immonde. Qu’est-ce qui les empêchait d’être comme moi ? De voir en ces clients des êtres humains et non de « sales bourges » ? Pourquoi cette haine du dominant, ce ressentiment d’esclave ? Cette attitude odieuse due à des années de bourrage de crâne marxisant ? J’étais atterrée de voir une telle bêtise méchante, mesquine : pourquoi ne pensent ils pas en personne mais en moutons, en cellules d’une « classe » ? Pourquoi le fait d’avoir de l’argent suscite en eux la haine ? Certes, je devine que, même si la division de la société en « classes » est pour moi nulle et non avenue (il n’y a que des différences d’éducation, de culture, l’argent n’est rien, un riche intelligent appréciera la compagnie d’un pauvre cultivé ce me semble, et vice versa) je devine donc, bien que ces mots aient peu de sens pour moi, que ces gens, mes « collègues » d’un jour vivent dans un monde qui n’est pas le mien, que les tenants d’une anthropologie des classes diraient que c’est parce que si je n’avais pas été en mission, undercover, j’aurais sans doute eu plus de chances de me trouver parmi les clients que parmi les employés que je n’ai eu aucun problème avec ceux là, et cependant, s’ils n’avaient pas fait preuve de tant de sottise, je me serais aussi fort bien entendue avec mes collègues comme le laissait augurer le début de la journée. Ajoutons quelques réflexions croustillantes digne d’un zinc malpropre « ouais ben ça prouve bien une chose, c’est que dès que tu files un peu de pouvoir, un peu d’importance à un type, il va se croire super fort, indispensable et il va faire peser son ridicule brin de pouvoir sur tout ce qu’il peut », ce qui certes est vrai, quoi qu’un poil réchauffé, mais devient franchement comique lorsque le même orateur de comptoir hurle de tous ses poumons et multiplie les gestes obscènes contre la Jaguar qui s’est arrêtée 20 cm trop tôt en insultant ses passagers ! Notons aussi l’organisation pitoyable des transports, des navettes, l’absence totale d’indications, d’hôtesses et de guides pour renseigner les clients (ce que nous ne pouvions faire étant donné que la seule chose que nous savions étaient les consignes relatives au « faites dégager toutes les voitures, que ça soit libre devant la porte »), j’avais honte de faire partie d’une organisation aussi nazebroque !


De cette observation je tire quelques enseignements fort peu politiquement corrects que je me serais interdite de formuler si je n’avais pas expérimenté la chose :

_ rien ne justifie d’être désagréable, borné, discourtois, il n’y a pas de « oh mais le pauvre, ça ne doit pas être facile de faire ce boulot toute la journée ! » qui tienne, tout est facile si on le fait avec respect, courtoisie et bonne humeur (et franchement, 12h debout sur des talons aiguille à faire la circulation, ça aurait pu me porter à la morosité !), il n’y a absolument aucune excuse à la muflerie !

_ si un service de circulation privé (pas la police, on va encore me taxer d’anarchisme sauvage) vous fait signe de déguerpir, de ne pas vous arrêter, d’aller plus loin, c’est sympa de lui obéir si vous avez le temps, mais en fait on s’en fout ! De toute façon il ne peut rien faire, physiquement et juridiquement, alors ne vous inquiétez pas d’un petit bouseux qui s’excite tout seul.

_tout s’arrange quand on est courtois. Ne considérez pas l’autre selon sa prétendue classe mais comme un égal auquel vous devez le respect du à tout être humain, les classes n’existent que dans la tête des abrutis !

_les râleurs populos sont des abrutis pleins de ressentiment pour le voisin qui a un jouet plus gros que le leur, ça à 40 ans et un âge mental de 5 ans ! Donnez leur un milliard, ils seront les plus imbuvables, les plus arrogants, les plus immondes nouveaux riches.

 

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