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22 septembre 2015 2 22 /09 /septembre /2015 15:44

Ces derniers jours j'ai suivi quelques heures de cours à Paris IV, à la Sorbonne donc. Il s'agissait de mes premiers cours depuis 2010. Entre temps j'ai suivi l'enseignement à distance, ce qui m'allait très bien (la pensée de l'enseignant y est rassemblée, condensée, on peut donc aller bien plus vite et saisir l'essence, et surtout on n'a pas à faire face aux hordes estudiantines).
Après une prépa dans un établissement aux locaux assez sympathiques (classiques à l'extérieur, moderne et sans beaucoup d'âme à l'intérieur, mais confortables), quelques tentatives lamentables et vaines de tenir plus de 3 mois dans des facs modernes, froides, hideuses et surpeuplées, j'ai ENFIN dépassé le cerbère que constitue la redoutable Gallerie Richelieu, celle où l'on attend 4 heures pour se faire traîter comme un limaçon de salade moisie par un personnel sous-numéraire et donc exténué.
Est-ce que cela veut dire que c'est bon, je suis inscrite, youpitralala ? Pas le moins du monde, et je pense d'ailleurs que mon inscription ne pourra se faire, mais en attendant, je suis tout de même les cours. Au cas où je serais acceptée, il serait dommage de manquer la première semaine.


Le premier constat est donc une agréable surprise : les locaux, après avoir subit des travaux et une ré-organisation kafkaïenne (du style : cours dans un cinéma), sont somptueux, et, à défaut d'un enseignement de qualité (à -très rapide et incomplète- première vue, Paris IV ne vaut pas plus que toutes les autres fac parisiennes, ni plus que celle de Dijon, par exemple, à part architecturalement, donc), on peut rêvasser dans sa cour, dans ses magnifiques amphithéâtres à des reconstitutions historiques, aux scènes qui ont pu y trouver lieu dans les décénies et siècles passés.


Le second constat m'a quelque peu estomaquée, il s'agit du sans-gène et de l'insensibilité du bon tiers des élèves. On sait que la fac n'est pas comparable à une prépa ou à un lycée, que les cours sont plus "à la carte". Un professeur l'a même précisé aujourd'hui, parlant du fait que si deux cours se chevauchaient, ça n'était pas un drame : quand j'étais à votre place, disait-il, nous avions tendance à considérer que nous n'apprenions ni ne résistions mieux en suivant tous les cours, bien au contraire. Mais s'installer dans les 6 premiers rangs, choper le plan de l'année et la biblio, puis se tirer, sans honte, après 10min, ou même 20min, au nez et à la barbe du professeur, je n'avais jamais vu cela. Le cours ne durait qu'une heure, et sachant qu'il nous faut galopper d'un amphi à l'autre, sans pouvoir prendre de pause, les professeurs sont très soucieux de l'horaire : ils arrêtent de parler à 55 au plus tard. Même si le cours avait été pire que lamentable, était-il vraiment impossible de patienter UNE HEURE (ce qui n'est vraiment rien en matière de cours) ?
Il n'y a que trois professeurs auxquels j'aurais fait (et avec joie) cette insulte, et c'était parce qu'ils étaient humainement des raclures de bidet, et à l'enseignement ce que Loana est à la chanson française (elle a bien du chanter quelque chose, je n'ose aller vérifier). En rien les braves professeurs de Paris IV ne semblaient mériter ça. Bref, je n'ai pas trouvé ce comportement très humain (à la limite, si on compte partir, on se met tout au fond et on se casse discretos, pas au troisième rang ! Un peu de considération, merde ! )


Le troisième et dernier constat porte sur le mode même de l'enseignement moderne, de la primaire aux études post-master.
Je n'y avais jamais trop songé, et, jusqu'à ma sortie des rails et du modèle classique, ledit modèle me convenait très bien : j'ai toujours eu de bonnes notes, tout allait bien. C'est sans doute le fait d'apprendre par correspondance, donc de ne plus avoir à passer par la notation frénétique d'un cours donné par un professeur face à un minimum de 30 personnes, qui m'a rendu la chose étrangère et donc analysable. Je vais sans doute enfoncer des portes ouvertes à coups de bélier, et ça a sûrement été théorisé ailleurs avec bien plus de sources, d'études, d'expériences. Je ne fais que partager ici mes pets de cerveau, mais cette façon de faire (la prise de note) m'a soudain semblée non solum contre-productive, sed etiam aliénante.
Lorsque je prends des notes, mon but est de reccueillir le plus possible du discours, et c'est sans doute moi qui suis en tort, sans doute faut-il prendre plus de recul, voire ne prendre aucune note pendant le cours, puis noter ce dont on se souvient et que l'on a re-analyse, après le cours. Une telle méthode est rendue impossible par la succession ininterrompue de cours. Le resultat est que cette notation est dépourvue d'esprit critique, et tout simplement de raisonnement, d'appropriation du savoir : on note servilement un discours. On espère le comprendre quand on le relira chez soi, le soir. Si on le relit le soir. Avec plus de sept cours par jours, la chose ne va pas forcément de soi.
A l'inverse, quand je lis un cours rédigé, ou un manuel, je peux prendre une certaine distance, qui me permet d'assimiler le savoir. Et cela ne va pas moins vite que suivre un cours en personne, au contraire (il n'y a pas de digression, pas de blagounette, pas de pause, pas de redites, ou alors des répétitions stratégiques pour s'assurer que le savoir est acquis).

Il me semble donc que l'idéal de la transmission de savoir serait un cours oral délivré d'un professeur à moins de dix élèves, pendant une heure. Après cela chaque élève produirait un résumé oral, à tour de rôle, et éventuellement, au terme de ce "tour de table", serait autorisé à prendre quelques notes de l'essentiel. Evidemment, cela suppose des effectifs bien moins larges.
Ce qui entraîne la question de la nécessité de tous les diplômes universitaires contemporains (faut il VRAIMENT un master pro de vente, de marketing, ou je ne sais trop quelle fantaisie, pour établir une stratégie commerciale ? Les plus riches marchands levantins n'avaient pas "appris" le sens des affaires dans une école) et surtout de leur "démocratisation" : pourquoi vouloir, par exemple, que 80% d'une génération ait son bac, ou même 70%, ou même 50% ? pourquoi contraindre les esprits à l'académisme ? Cela porte en soi le préjugé selon lequel les études académiques sont ce qui se fait de mieux pour l'esprit humain, valent mieux que la pratique d'un artisanat ou d'un art dès l'adolescence.
Se dire que les études secondaires ne sont peut-être faites que pour 50% ou moins d'une classe d'âge n'est en rien élitiste, bien au contraire, il s'agit de se rendre compte que le lycée n'est en rien "supérieur" au labour, à l'artisanat etc... que le travail de la main n'est pas moins noble que celui de l'esprit.
Alors on pourra peut-être avoir un enseignant pour dix élèves et avoir un réel "travail de l'esprit" une vraie transmission et pas la transcription servile et à peine comprise d'un discours.

Une autre possibilité, plus pratique, serait de donner une liste d'ouvrages à lire, seul, et de sanctionner cela par un examen final, ce qui est exactement le principe des études à distance, si l'on considère le cours écrit comme un manuel. Dans tout les cas cela me semble valoir bien mieux, intellectuellement parlant, pour l'assimilation du savoir, qu'un cours magistral, sorte de cimetière de la pensée.

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